En 1980, Plogoff se soulève contre le projet d'implantation d'une centrale nucléaire. Nicole Le Garrec, réalisatrice de Plogoff, des pierres contre des fusils, 38 ans à l'époque, raconte comment le film a vu le jour.
"Nous sommes d'abord venus d'abord en voisins à Plogoff, pour participer aux manifestations contre ce projet de centrale nucléaire. J'ai tout de suite senti qu'on assistait à des événements exceptionnels et j'ai eu la conviction qu'il était nécessaire d'en témoigner. Je voulais qu'on filme, pour réaliser un documentaire. Félix était réticent. Evidemment, car c'est lui qui tenait les cordons de la bourse, et lui était bien conscient que nous n'avions pas un sou d'avance. Nous vivions des recettes que nous rapportaient les projections que nous faisions de nos diaporamas dans les MJC, les associations, etc.
A l'époque, faire un film, c'était un sacré investissement. Il fallait acheter la pellicule, faire développer les négatifs dans un labo professionnel à Paris, payer le labo, faire le montage, le mixage, etc. Devant l'ampleur des événements, Félix se rallie au projet de film et, pour alors, s'y investit à 300%. Nous avons fait le tour des banques, et réussi à convaincre l'une d'elles de nous faire un prêt. Dès lors, le projet était lancé.
Pendant les six semaines de l'enquête d'utilité publique, nous avons vécu à Plogoff, hébergés par des habitants. Nous étions présents lors de la "messe de 17h", quand les femmes se rassemblaient pour défier et harceler les gardes mobiles, nous filmions les affrontements quotidiens qui précédaient toujours le repli des forces de l'ordre, en fin de journée. Nous étions encore là de nuit, quand les habitants se mobilisaient pour "faire de Plogoff une île", à l'appel du maire, en montant des barricades aux entrées de la commune.
Préparé dans l'urgence, réalisé sur le vif, Plogoff, des pierres contre des fusils témoigne de six semaines d'une lutte initiée et chapeautée de bout en bout par les habitants. C'est cet enracinement, cet attachement à leur territoire depuis plusieurs générations, qu'on ne retrouve pas dans les autres grands mouvements de contestation, qui donne son caractère unique aux événements de Plogoff.
Dès le début du tournage, j'ai voulu me concentrer sur les habitants, le noyau dur de la mobilisation, pour en faire le fil conducteur du film. Plutôt que de donner la parole aux « experts » ou aux militants chevronnés, j'ai préféré rentrer dans l'intimité des femmes et des marins de Plogoff. Ce qui me tenait à cœur, c'était de montrer comment des gens ordinaires, habitués à ne pas remettre en cause l'ordre établi, pouvaient opter pour une position si radicale.
Depuis la première sortie du film au cinéma, nous avons régulièrement été sollicité pour le présenter, que ce soit dans des associations, des maisons de retraites, des lycées et auprès d'étudiants... Preuve que Plogoff des pierres contre des fusils reste très actuel"